Des Ginkgo Bleus

Des Ginkgo Bleus Border Collie

Border Collie

*** LE CHEVAUCHEMENT ***

*** LE CHEVAUCHEMENT ***

On pense toujours que certains sujets ont été éclaircis, trop fréquemment traités, et finalement, par crainte de la redondance, on n’y revient plus, ou pas souvent. C’est une erreur apparemment… La preuve est donnée dans les messages privés, faisant la demande régulière d’un article clair sur le chevauchement. Le chevauchement est un comportement qui fait partie de l’éthogramme du chien, qu’il soit mâle ou femelle, entier ou castré. S’il concerne autant les chiens castrés que les chiens entiers, c’est parce que la fonction du chevauchement n’est pas que sexuelle. De même, voir systématiquement du stress quand un chien chevauche, c’est avoir une interprétation réductrice du comportement.

Le chevauchement est propre à l’ensemble de l’espèce, normal et utile (dans la limite de sa fréquence, de son intensité et de son contexte). Ainsi, tout comportement inutile, ne visant pas à l’adaptation ou la reproduction, ou exprimé de manière hypertrophiée, doit questionner. C’est l’exception, non le principe. En dehors de cela, il n’y a aucun problème à voir un chien mâle entier ou castré, saillir un autre mâle entier ou castré, ou une femelle intacte ou ovariectomisée. Il n’y a pas forcément de mal-être à rechercher. Le chevauchement est avant-tout un mode de communication du chien envers ses congénères et les humains (adultes, enfants du groupe social ou étrangers au groupe social). Il peut l’exprimer sur eux ou sur des objets.



LE CHEVAUCHEMENT NORMAL : UTILE, EXPLICABLE AVEC L’ENVIRONNEMENT



>>> Le chevauchement sexuel (fonction : reproduction, plaisir).

Il est exprimé lors de la saillie d’une femelle fertile par un mâle entier durant la période propice (ou pas!). Dans ce cas, le mâle sera repoussé.

Il est exprimé par les jeunes chiens mâles en pic de testostérone durant la puberté sur les autres chiens, les humains ou des objets (cf. ci-après).

Il est exprimé par les chiots en expérimentation de l’environnement, durant les premières semaines de vie.

Il est parfois exprimé lors de la masturbation (une activité normale si elle n’est pas hypertrophiée. Elle ne concerne pas tous les chiens).



>>> Le comportement de dominance (fonction : établir, maintenir ou tester la dominance et/ou la subordination).

Il est exprimé par un chien, envers un autre, qu’il fasse partie de son groupe social, ou pas. Ce comportement sert à maintenir ou tester le rapport de dominance lors de la survenance d’un conflit (et à présumer de son issue). Pour reprendre les mots du Dr. Deputte (Dr. en éthologie, chercheur au CNRS), « la dominance ne fait référence qu'à la composante négative d’une relation, composante qui vise à maintenir ou à accroître les distances dans la dyade. Il ne s'agit jamais d'un trait de caractère en soi ». Quoi qu’il en soit, comme tous les comportements éthologiques, il n’est pas sain que ce chevauchement soit régulièrement répété, à cause des contextes peu favorables dans lesquels le chien est placé par son humain, et dans lesquels il ne se trouverait pas sans lui. En d’autres termes, un chien qui exprime sans arrêt des comportements d’imposition parce qu’il est mis dans des situations qui l’amènent à le faire (et qu’il n’est peut-être pas encore prêt à vivre), doit être préservé. Il s’agit d’éviter qu’il ne sache plus faire autrement que de recourir à ça. Voilà pourquoi il est fortement déconseillé d’immerger régulièrement son chien au beau milieu de plein d’autres chiens tant qu’il n’est pas plus confiant. La socialité ce n'est pas ça.



>>> La perte de contrôle en phase de jeu (fonction : obtenir l’arrêt).

Il est assez familier de voir un chien en saillir un autre, dans une phase de jeu. L’excitation est montée entre les deux individus, et l’un des deux protagonistes aimerait que le jeu s’arrête, sans parvenir à le faire comprendre à l’autre. Alors, il va recourir au chevauchement, qui sera en général bien toléré, si l’autre chien n’a pas de difficulté avec les demandes d’arrêt et le renoncement. Si votre chien chevauche régulièrement les autres chiens dans ce contexte de jeu, il serait souhaitable d’essayer d’observer à quel moment les événements lui échappent, afin de stopper la séquence avant qu’il se sente débordé. En effet, il n’est pas sain pour un chien de vivre régulièrement des jeux qu’il n’arrive pas à arrêter. Il pourrait répéter un peu trop souvent le chevauchement, et l’ancrer. Ce n’est pas souhaitable. Comme avec n’importe quel autre comportement, l’instrumentalisation est néfaste. Notons que le chevauchement pourrait très bien être redirigé sur vous, ou sur l’humain du chien envahissant.



>>> La perte de contrôle face à l’inconnu (fonction : décharger une gêne).

C’est le chien qui chevauche les personnes qui entrent chez lui, parce qu’il ne les connaît pas, ou mal, ou parce que ces personnes se comportent avec lui de manière inadaptée. En gros, le chien est mal à l’aise, au bord du conflit, et souhaite que ça cesse. Comme son humain ne le sait pas, il ne va jamais lui proposer les moyens de vivre cette situation sereinement. Alors, le chien risque de s’installer dans le comportement de chevauchement, en ce qu’il lui permet de décharger, seul et efficacement, cet inconfort désagréable. Et comme c’est opérant pour lui, il recommence, et pourrait finir par le faire à répétition dans un contexte similaire, même avec des personnes qu’il connaît. Si cette situation vous est familière, aidez votre chien en anticipant l’arrivée des invités. Donnez-lui une occupation masticatoire, un tapis de léchage, ou une corde à noeud, à distance de l’entrée, mais de manière à ce qu’il puisse observer, sans être impacté. Ainsi, vous préservez votre chien en lui offrant du temps, et la possibilité de s’adapter grâce à un comportement alternatif agréable, qui lui permettra de ne pas éprouver le besoin de chevaucher vos invités par habitude.



>>> La contagion émotionnelle (fonction : décharger l’émotion).

Les enfants (ou parfois des adultes!) jouent entre eux, le chien de la maison est présent. Les enfants s’agitent beaucoup, et crient. L’un des enfants va au sol, le chien s’agrippe à lui, et le chevauche avec insistance. La scène est familière ? Elle nous rappelle que le chien est un animal émotif, et que l’excitation ambiante des humains passe à travers lui. En chevauchant, le chien veut simplement se défaire de cette émotion excessive (qui peut être de la joie, mais pas forcément). Préservez chien et enfants, en mettant le chien au calme quand les enfants jouent entre eux. Si vous jouez à la bagarre avec votre conjoint et que vous savez que votre chien en chevauche régulièrement un des deux dans ce contexte, éloignez-le pour son bien.



>>> La difficulté à renoncer (fonction : décharger la frustration).

C’est le chien qui tolère mal le refus (un congénère ou son humain se détourne de lui), l’empêchement (la laisse ou une porte fermée), l’incapacité personnelle (la difficulté à parvenir à ses fins) ou l’impatience (une pause dans la balade). Le chien peut aussi chevaucher son humain qui lui dit « non » sans lui proposer une autre manière de satisfaire son envie ou son besoin à l’instant T. (un jouet, un aliment, une caresse). Le chien peut chevaucher le congénère qui lui manifeste clairement son désintérêt, ou son désaccord. Il serait souhaitable d’apprendre à ce chien tout ce qu’il a à gagner en renonçant de lui-même et en faisant preuve de plus de patience.

Il me semble important de répéter que même si le chevauchement est normal, placer continuellement son chien dans des contextes qui l’amènent à le répéter est mauvais. Soulager les comportement avec l’aide de l’environnement est une question de bon sens. Un chien peut en effet devenir rapidement dépendant du chevauchement, et l’instrumentaliser pour parvenir à gérer les situations difficiles dans lesquelles il est mis par ses humains.

LE CHEVAUCHEMENT ANORMAL : SANS UTILITÉ, RÉPÉTÉ, INEXPLICABLE AVEC L’ENVIRONNEMENT



>>> Le déséquilibre hormonal

Le chien (mâle ou femelle) chevauche plusieurs fois par jour des coussins, des humains, des congénères. Il a du mal à s’arrêter.

- Soit les hormones abondent chez le jeune mâle en phase pubertaire (pic de testostérone), mais cette hypertrophie restera momentanée, le temps que ses hormones s’équilibrent. C’est le cas normal vu plus haut, qui reste à surveiller.

- Soit l’hypertrophie se poursuit et le chien généralise l’hypersexualité. Il chevauche tout, tout le monde, tout le temps. Son comportement n’ayant aucun but de communication ou de reproduction (toutes les femelles ne sont pas en oestrus), les chiens saillis ne vivent pas le chevauchement sereinement. Il ne comprennent pas pourquoi le chien chevauche, et pourquoi il ne s’arrête pas. Les choses peuvent tourner à l’agression sans contrôle. Le chien hypersexuel souffre en effet d’une grande frustration, qui peut devenir douloureuse et insupportable. Le chevauchement répété, inexplicable avec l’environnement doit vous alerter. Mais en général, il sera accompagné d’une foule d’autres comportements, qui accompagnent malheureusement les androgènes (DHT). La stérilisation par gonadectomie est totalement contre-indiquée pour une raison simple : la chute hormonale que le mâle subira suite à l’ablation, induira une compensation inévitable de son système hormonal en androgènes (dix fois plus actifs que la testostérone ou les œstrogènes eux-mêmes). Donc, dans la grande majorité des cas d’hyper-androgénie diagnostiqués, le comportement de chevauchement pourrait disparaître (mais pas toujours), et être remplacé par d’autres conduites d’origine hormonale, comme l’hyper-agressivité ou l’hyper-contrôle. Des solutions existent. Il faut juste consulter un vétérinaire-comportementaliste qui les connaît.



>>> Le trop-plein d’énergie

Lorsqu’un chien chevauche un peu trop souvent ses humains ou des coussins, et qu’il est difficile d’établir un lien avec le contexte, il faut toujours se demander si son niveau d’activité générale est satisfaisant (pour le chien en présence à l’instant T). Le manque d’activité n’est-il pas en train de devenir un vrai problème lui occasionnant un trouble ? Si un chien accumule trop d’énergie qu’il ne peut pas évacuer naturellement lors de sorties (qu’il n’a pas), ou d’activités physiques adaptées à sa génétique, il peut essayer de se défouler en chevauchant (une activité énergivore). Dans ce cas, l’impression d’inutilité dans le comportement n’existe que pour l’humain, car évidemment pour le chien, chevaucher devient une activité vitale, la seule qu’il a parfois.

Dans tous les cas énoncés, il est absolument nécessaire pour l’humain de se détacher de sa vision biaisée du chevauchement (stress systématique, dominance inter-spécifique, perversité, etc.), et des amalgames qu’il peut parfois faire. De même, il n’est plus tolérable de lire (parfois sur des sites vétérinaires) que le chevauchement d’un humain est un grand signe de dominance, ou une indication infaillible que l’éducatrice chevauchée à ses règles. Attention aux énormités qui sont véhiculées. La dominance ne peut exister entre deux espèces distinctes pour la simple raison que leur communication est différente. Les deux individus de ces deux espèces peuvent très bien se comprendre et vivent ensemble dans un système équilibré et stable, mais ils ne se domineront pas. De plus, un chien mâle qui chevauche une éducatrice ou un éducateur, est souvent un chien qui vit une situation d’inconfort, et qui exprime une demande claire d’arrêt. N’allez jamais croire la personne qui vous dit que votre chien opère une prise de pouvoir consciente sur un homme, ou veut agresser sexuellement une femme.



Audrey Ventura, Cynoconsult

Mon chien, mon coach et moi : https://shorturl.at/cFIV1

Le chien, cet animal qui nous échappe : https://shorturl.at/eLNT2

QUELQUES SOURCES

- Donaldson Jean & Dunbar Ian, Fighting dominance in a dog whispering world, The science and mythology of dominance theories, because the real world doesn’t have a cutting room floor, 2007.

- Coppinger R. et Coppinger L. , Dogs : A new understanding of Cannine Origin, Behaviour & Evolution Broché, University of Chicago Press, octobre 2002.

- Capra Alexa, Robotti Daniele, Éthogramme des comportements agonistiques du chien, alexacapra.com, dogs and more, 2023.

- Capra Alexa, Robotti Daniele, Ethogram of imposing behaviors, dogs and more, 2013.

- Dehasse Joël, La stérilisation du chien. Pour ou contre ? Livre numérique connecté, janvier 2017.

- Duranton Charlotte, Le comportement de mon chien, Healthmedia, 2021.

- Fischbacher, Kirschbaum, Fehr, Heinrich, The Social Dimension of Stress Reactivity: Acute Stress Increases Prosocial Behavior in Humans », Psychological Science, 2012.

- Lorenz Konrad, L'agression, une histoire naturelle du mal, Flammarion, 2010.